APPCL et les eaux de baignade, 20 ans de travail et d’investigation

mis en ligne le 04 juin 2024

Frise chronologique

Notre association, créée en 1990, a accueilli au début des années 2000 de nouveaux membres, surfers de la côte des Légendes.

Sous leur impulsion, APPCL a créé en 2004 une section « eaux de baignades » et a commencé à s’intéresser à la qualité de l’eau de la rivière qui se jette sur la plage de Penfoul à Landunvez (Le Foul). Des membres de l’association ont alors remonté la rivière à pied depuis la plage de Penfoul jusqu’à Plourin, découvrant un bassin versant largement agricole où les pratiques étaient loin d’être exemplaires. (bandes enherbées non respectées, dépôts sur les berges…)

L’association a commencé à faire des recherches sur la législation environnementale. À plusieurs reprises, elle a rencontré le maire de la commune (JM Bizien) pour lui faire part de ses découvertes, lui remettant même un CD-ROM interactif contenant ses observations de terrain. Le maire ne s’est alors pas montré très emballé par la démarche.

En 2006, APPCL a investi dans l’achat de matériel pour réaliser ses propres analyses d’eau et a accueilli une stagiaire biologiste. Les premiers résultats ont été alarmants : l’eau du Foul était « trop chargée en bactéries indicatrices et notamment en coliformes ».

Notre stagiaire biologiste en action
Notre incubatrice et ses boîtes de pétri
Des membres d’APPCL en opération prélèvement d’eau

L’année suivante, notre stagiaire a contacté de nouveau l’association car sa professeure de l’université de Metz souhaitait réaliser avec ses étudiants une étude d’écotoxicité de l’eau du Foul. L’association a été chargée de réaliser un prélèvement d’eau de la rivière et de l’envoyer au Laboratoire Interactions Ecotoxicité Biodiversité Ecosystème (LIEBE) de l’université Paul Verlaine de Metz.

Les résultats de cette étude ont confirmé des effets écotoxiques significatifs, soulignant « la nécessité de suivre régulièrement les effets potentiels de cette eau et de réaliser des analyses physico-chimiques approfondies pour mieux comprendre les polluants responsables des effets mutagènes observés, synonymes de risques pour les populations et leur survie à moyen et long terme. Cette conclusion a été partagée avec le maire et dans la presse suite à notre AG annuelle. »

Ce rapport a été rendu public, remis au maire et relayé par voie de presse à l’occasion de notre AG annuelle de 2007.

Désormais convaincue de l’importance de lutter pour la qualité de l’eau du Foul, qui s’avérait très préoccupante, l’association a également commencé à s’intéresser aux agrandissements successifs de l’élevage industriel local (Avel Vor), en constante expansion depuis les années 2000.

APPCL a rédigé des avis lors des enquêtes publiques de 2008, 2013 et 2016 concernant ces extensions, consciente que peu de personnes mesuraient alors les conséquences de cette industrialisation frénétique des élevages du secteur.

En 2014, avec l’entrée en application de la directive européenne « eaux de baignade » (2006/7/CE), les maires ont été tenus d’installer des panneaux à l’entrée de chaque site de baignade et d’y afficher les résultats des analyses bactériologiques pendant la saison estivale. APPCL s’est montrée très intéressée par cette nouveauté. Nous pensions que l’ARS surveillerait mieux l’eau et informerait davantage le public sur sa qualité.

Lors de l’été 2016, l’association a eu l’idée de photographier les panneaux contenant les résultats des analyses d’eau de baignade réalisés tout au long de la saison afin de présenter un bilan à ses adhérents lors de son AG annuelle. Elle a également inventorié les arrêtés municipaux interdisant la baignade, déplorant leur rédaction trop administrative et l’absence de pictogrammes compréhensibles pour le grand public.

Photographie du panneau d’entrée de plage de Penfoul courant été 2016 : 2 pollutions majeures y sont détectées.

En préparant l’AG de 2016, l’association s’est rendu compte que les analyses révélant les pollutions avaient mystérieusement disparu du bilan de fin de saison pour être remplacées par les analyses qui ont permis de rouvrir la plage (donc nécessairement bonnes…).

Capture d’écran du site baignade.sante.gouv.fr en décembre 2016. Les deux pollutions ont été remplacées par les analyses de recontrôle

Si l’ARS élimine les mauvais résultats pour les remplacer par des bons, les classement sont nécessairement artificiellement améliorés… c’est du bon sens !

Après avoir contacté l’ARS par téléphone et obtenu des réponses insatisfaisantes, APPCL a multiplié les mails et les courriers recommandés pour obtenir des réponses écrites à ses nombreuses questions.

En 2017, un courrier en réponse de l’ARS a fini de convaincre l’association qu’il y avait anguille sous roche. Elle a informé ses adhérents, écrit des articles sur son blog, et fait ses premières déclarations dans la presse locale et sur France 3 Bretagne :

http://appcl.over-blog.com/2019/08/eaux-de-baignades.un-bon-article.html (OF 2019)

https://www.letelegramme.fr/finistere/brest-29200/span-classamorceeaux-debaignadespan-

le-bas-leon-toujours-sous-surveillancetitre-reel-4023439.php (2019 Treompan)

https://www.ouest-france.fr/bretagne/brest-29200/enquete-qualite-des-eaux-debaignade-

dans-le-finistere-la-fermeture-preventive-remise-en-cause-6482770 (2019 OF)

https://www.youtube.com/watch?v=5HExNmAV2cc ( reportage de France3 2020)

La chaîne M6 a dépêché une équipe pour réaliser un reportage pour l’émission 66 minutes : « La guerre des cochons », traitant notamment de la qualité de l’eau de baignade de Penfoul située en aval de la porcherie.

Lors d’une réunion associative, APPCL a partagé ses découvertes avec l’autre association locale, AEPI. Deux membres de ces associations ont commencé un travail d’investigation approfondi.

Réalisant que l’affaire dépassait les moyens des petites associations locales. Ils se sont naturellement tournés vers Eau et Rivières de Bretagne, donnant naissance au groupe des « swimming papers »,

Eau et rivières de Bretagne a rédigé un courrier à l’ARS demandant la communication de toutes les analyses effectuées depuis 2013 sur 11 plages du pays d’Iroise, y compris les analyses qui avaient été écartées en fin de saison.

Face à l’absence de réponse, elle a fait intervenir la CADA (commission d’accès aux documents administratifs), qui lui a donné raison en enjoignant à l’ARS de communiquer les données demandées.

L’association a finalement obtenu les informations demandées.

En poursuivant leurs recherches, APPCL et ses partenaires ont découvert que l’ARS avait manipulé les classements de bon nombre de plages bretonnes, notamment celles de Landunvez (Penfoul, Gwisselier et Château) et de Porspoder (Melon, Bourg)… Ils ont alors préparé un dossier complet en vue de porter l’affaire devant le Tribunal administratif de Rennes.

Sous l’impulsion de ce groupe déterminé, Eau et Rivières de Bretagne a pris en charge tout le dossier juridique, aboutissant à faire condamner l’ARS Bretagne, en juin 2023, à corriger l’ensemble de ses classements bretons depuis 2016.

Aujourd’hui, l’équipe eaux de baignade d’ERB, soutenue par APPCL, présente au grand public sa campagne Labelle Plage.

Le 25 mai dernier, le lancement officiel a eu lieu depuis la plage de Tréompan à Ploudalmézeau devant les caméras de BFM TV et en présence plusieurs journalistes.

Nous pensions que le sujet pouvait intéresser pas mal de monde, mais nous sommes surpris par le départ canon de l’opération. Le premier jour, le site Labelleplage.fr a été consulté par 75 000 personnes, nous en sommes le 3 juin à plus de 800 000 !