Lettre ouverte d’APPCL au président du conseil de gestion du Parc Naturel Marin d’Iroise

publié le 26/11/2024

Le 6 novembre 2024, le conseil de gestion du PNMI s’est réuni avec à l’ordre du jour 3 dossiers d’études d’impacts de projets qui tous vont avoir un impact négatif sur le PNMI.

Ce conseil de gestion, dont la composition ne peut qu’interroger, si effectivement l’objectif était de protéger l’environnement, a voté comme un seul homme ou presque pour délivrer 3 avis conformes favorables à ces projets !

  • 2 extensions de porcheries industrielles situées sur des bassins versants algues vertes de la baie de Douarnenez
  • le rejet de la station de traitement de Saint Dénec dans l’aber Ildut qui nous occupe tout particulièrement à l’APPCL depuis 2019 !

APPCL soutient le communiqué de l’association Baie de Douarnenez Environnement du 17 novembre.

Nous souhaitons, nous aussi, vivement réagir face la gouvernance pour le moins discutable de cet espace naturel dont la protection laisse à désirer !

L’aber Ildut et la baie de Douarnenez ne méritent-ils pas d’être protégés comme il se doit ?

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Le 25/11/2024


Lettre ouverte à M.le Président du conseil de gestion du Parc Naturel Marin d’Iroise

M le Président,

L’Association pour la Protection de la Côte des Légendes a pour objet de :

  1. Sauvegarder le patrimoine naturel et culturel de la Côte des Légendes,
  2. Participer, dans le même souci de protection du patrimoine à la préservation de la nature et du cadre de vie des communes côtières et limitrophes par tous les moyens légaux jugés utiles.
  3. Apporter sa contribution à la valorisation et à la reconquête de la nature et de la biodiversité.

L’association soutient le Parc Naturel Marin d’Iroise (PNMI). Ainsi, en 2020, elle a plaidé pour son extension vers le nord dans un courrier cosigné avec les associations AEPI et Abers Nature.

Mme Sarrabezolles, votre prédécesseure, nous avait alors répondu par un courrier en date du 10/02/2021 :

Nous souhaitons vous faire part de notre étonnement quant aux avis rendus lors du dernier conseil de gestion du 6 novembre 2024.

Notre association n’est pas représentée au conseil de gestion, mais elle fait partie des associations mobilisées par les représentants d’associations environnementales membres du conseil de gestion, qui nous sollicitent lors de la préparation des réunions et des avis, et nous rendent compte des débats et des décisions du conseil de gestion ; nous avions ainsi participé à l’élaboration de l’argumentaire que notre représentant a développé en vain le 6 novembre.

Les trois dossiers à l’ordre du jour, sont tous susceptibles d’impacter de façon évidente le PNMI.

  • 2 dossiers d’extension d’élevages porcins situés sur des bassins versants algues vertes de la baie de Douarnenez
  • le dossier qui occupe tout particulièrement notre association depuis maintenant cinq années, à savoir le rejet des eaux usées traitées de la STEP de Saint Dénec à Porspoder dans le site le plus protégé de la côte, à savoir l’aber Ildut

Ce dossier appelle de notre part les observations suivantes.

Rejet dans l’Aber Ildut des eaux usées traitées de St Dénec : un projet absurde

Nous estimons que ce projet stupide et très coûteux a été conduit d’une manière irresponsable, au bénéfice principal des entreprises de travaux publics, mais sans justification sérieuse et au mépris total de la nature, de l’environnement et des habitants de Lanildut.

En effet, si ce rejet polluait réellement la plage de Melon à Porspoder, comme l’écrit sans justification le bureau d’études sollicité pour défendre coûte que coûte ce projet, alors il polluerait nécessairement l’aber Ildut, d’autant que celui-ci recevrait toutes les eaux usées traitées de St Dénec, au lieu d’une faible part seulement aujourd’hui (débordements de la zone d’aspersion)

Mais si ce rejet ne devait pas avoir d’impact sur l’aber Ildut, comme le soutient ce même bureau, alors il est évident qu’il ne polluerait pas non plus la plage de Melon.

alors ce chantier, qui a déjà coûté plus de 2 millions d’euros aux abonnés au service public de l’assainissement collectif, n’a absolument aucune justification et est économiquement absurde.

Il l’est aussi, et encore plus, au plan de la protection de l’environnement marin.

L’aber Ildut, le site le plus protégé de la côte.

Les zones estuariennes sont des zones essentielles pour la biodiversité. L’aber est un refuge pour de nombreuses espèces animales dont certaines sont protégées (loutres, oiseaux, salmonidés…). A ce titre, il est classé en son entier zone Natura 2000 directive oiseaux, Natura 2000 directives habitats, zone ZNIEFF de type I.

L’aber Ildut est en outre une zone portuaire protégée par l’article 10B3 du SDAGE Loire Bretagne qui y interdit tout rejet d’eaux usées traitées. C’est une zone conchylicole et également une zone où la baignade est pratiquée depuis de nombreuses générations (un site de baignade est enfin en voie de création pour l’été 2025 sur la plage du Crapaud à Lanildut).

La compatibilité avec toutes ces protections environnementales avaient déjà été étudiées en 2013 dans une précédente étude d’impacts beaucoup plus complète qui a malheureusement été soigneusement cachée par la CCPI.

Le rejet s’il avait lieu aurait un impact direct sur le PNMI…

Nous rappelons que les rejets traités d’une station d’épuration, même désinfectés par des lampes UV, sont loin d’être de l’eau pure.

Il y demeure des fibres textiles, des microplastiques, des résidus médicamenteux, des hormones, des perturbateurs endocriniens, etc., toutes substances dont l’impact négatif sur les écosystèmes marins est bien documenté

La solution de rejet actuelle consiste à asperger une parcelle située à proximité de la station, trop petite pour accueillir l’ensemble des eaux. Une partie de ces eaux s’infiltre dans le sol de la parcelle, tandis que l’autre ruisselle et se déverse dans le ruisseau de Melon. Ce dernier, après un parcours d’environ 2 km à travers la campagne, traversant notamment des parcelles exposées à des pollutions d’origine agricole, finit par rejoindre l’océan à la plage de Melon.

Aucune étude sérieuse n’a démontré que ces rejets étaient responsables des pollutions chroniques de cette plage, tout à fait comparables à celles observées sur plusieurs plages d’Iroise exposées elles seulement à des pollutions d’origine agricole. Néanmoins, c’est sur ce seul rejet que se sont concentrées les études conduites par la CCPI.

La solution projetée et contestée par plusieurs associations environnementales consiste à traverser la campagne via plus de 4 km de canalisations (donc à l’abri des rayons UV du soleil). Elle nécessite l’usage de pompes pour traverser plusieurs vallées et atteindre l’aber Ildut, au cœur du bourg de Lanildut. L’ajout d’un émissaire sur l’estran est la dernière trouvaille de la CCPI, il doit permettre de déverser les eaux traitées sans purification naturelle aucune dans la zone portuaire.

Le porteur de projet ne peut pourtant pas ignorer que le site de rejet choisi est aberrant. Pour preuve, dans le dossier d’étude d’impact porté à connaissance de votre conseil de gestion, dans le chapitre concernant la compatibilité avec le SDAGE, il est écrit à trois reprises :

Ainsi, il apparaît clairement que de l’avis même du bureau d’études qui a réalisé l’étude d’impact, l’Aber Ildut doit être protégé prioritairement, car en cas de dysfonctionnement ou de pollution, les rejets seraient alors redirigés vers Melon, leur destination indirecte actuelle, celle en place avant la réalisation du projet.

Le discours officiel du Président de PIC, porteur du projet, discours répété en conseil de gestion, est qu’il faut bien gérer ces eaux traitées et qu’aucune solution alternative sérieuse n’existe.

Ceci est faux .

  • tout d’abord, parce que la solution actuelle de rejet (surtout après la mise en place à la STEP d’un traitement tertiaire par UV) est bien moins impactante que la solution coûteuse imposée par la CCPI.
  • ensuite, parce que des solutions alternatives existent bel et bien, et elles ont d’ailleurs été étudiées dans un dossier d’étude d’impact réalisé en 2013, déjà pour ce même projet de rejet de la station de traitement de Saint Dénec, dossier dont la CCPI a caché pendant plusieurs années l’existence, mais que nous avons fini par obtenir, et qui n’est même pas cité dans le dossier soumis au Conseil de gestion.

Cette étude excluait la solution d’un rejet dans la partie maritime de l’aber du fait des multiples protections du site (zone portuaire cf article 10B3 du SDAGE, activité de baignade etc.)

D’autres solutions y étaient exposées dont celles étudiées par des hydrogéologues (cabinet Lith’eau). Des parcelles d’aspersion avaient été trouvées (notamment au lieu-dit Penn Frad). L’utilisation de plantations de saules avec création d’une filière bois chauffage pour épurer et absorber l’eau rejetée y était présentée…

Ces solutions de réutilisation des eaux usées traitées sont dorénavant celles qui devraient s’imposer face à des solutions de rejet direct en mer ou dans les cours d’eau qui s’apparentent à du gaspillage de la ressource en eau.

Ce rejet dans l’aber Ildut pouvait donc parfaitement être évité, il peut encore l’être, et pour un coût sans doute inférieur aux montants nécessaires à l’achèvement du projet actuel.

En ce qui concerne les impacts sur le milieu marin du PNMI, sur lesquels le conseil de gestion était consulté, il est pour nous incompréhensible que l’équipe du PNMI ait proposé un avis favorable, et que cet avis ait été suivi par le conseil de gestion.

Lors de la consultation du Conseil de Gestion du PNMI, nous espérions un véritable débat, une analyse rigoureuse des enjeux environnementaux. Pourtant, tant le rapport lacunaire* de l’équipe technique que les votes des membres du conseil (basés pour la plupart sur ce seul rapport) n’ont fait que renforcer une position de principe, sans prendre en compte l’impact réel de ce projet. Tout a été validé sans véritable examen des faits.

Nos associations qui avaient porté et remporté un recours contentieux contre ce projet disposaient pourtant d’arguments qui n’ont pas pu être entendus, et ceci témoigne pour nous d’un dysfonctionnement de la gouvernance du PNMI dont vous présidez le conseil de gestion.

Finalement, au lieu de la recherche de la protection de l’environnement, c’est l’intérêt des pollueurs qui semble primer.

Une posture indigne des objectifs du PNMI

Les constats que nous avons développés pour ce projet de St Dénec sont malheureusement aussi valides pour les deux projets d’élevage examinés par le conseil de gestion du 6 novembre 2024, pour lesquels l’association Baie de Douarnenez Environnement a publié un communiqué en date du 17 novembre dernier.

Là aussi, les enjeux environnementaux qui devraient être centraux dans les avis du conseil de gestion sont passés au second plan derrière des enjeux socio-économiques discutables, sur la base d’études d’impacts incomplètes et d’une proposition d’avis favorable incompréhensible, sans que les débats aient été l’occasion d’une confrontation avec l’analyse des experts de nos associations.

Le PNMI, censé être un espace de préservation, semble désormais géré par ceux qui y portent atteinte ; le conseil de gestion censé porter un regard critique sur les projets apparaît comme une simple chambre d’enregistrement. Si ce parc naturel ne sert plus à rien d’autre qu’à dépenser de l’argent public pour des actions de communication sans résultat concret pour la préservation de l’environnement, alors il est grand temps de remettre en question sa gestion, ou son existence.

Monsieur le Président, nous vous appelons à réévaluer objectivement les 3 projets présentés le 6 novembre dernier et à prendre enfin les mesures qui s’imposent pour préserver l’intégrité de notre littoral.

Le Conseil de Gestion du 6 novembre n’a fait que valider des décisions prises à l’avance, sans réelle réflexion sur les enjeux environnementaux.

Nous, membres de l’APPCL, tenons à exprimer publiquement notre dégoût et notre réprobation face à une telle gestion.

Nous rappelons à toutes fins utiles aux membres du conseil de gestion que vous présidez, que leur rôle consiste à faire respecter les orientations du parc qui sont décrites dans les articles 6 et 8 du Décret n°2007-1406 du 28 septembre 2007 portant création du Parc naturel marin d’Iroise :

Dans l’attente d’une réponse à la hauteur des enjeux, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations respectueuses.

Pour l’Association Pour la Protection de la Côte des Légendes