Saleté de mouettes !

Le Télégramme nous a proposé, le 11 août dernier, une page entière sur les pollutions bactériennes des plages de Landunvez qui seraient dues aux oiseaux marins…

Article paru dans le Télégramme le 11 août 2022

Ces élus croient-ils vraiment en cette idée saugrenue ? En tout cas, cet article a fait mourir de rire pas mal de monde sur la côte !

Des analyses irréfutables viendraient valider cette hypothèse ! (« 2 sur 3 » , Wahou !)

Cela mérite quelques explications, et même si vous êtes de plus en plus nombreux à connaître et comprendre le principe de la surveillance bactériologique des plages, un petit rappel s’impose.

Les bactéries recherchées lors des contrôles des eaux pour l’ARS sont : E.Coli et Entérocoques

(ce sont des bactéries témoins de la pollution fécale des eaux. Elle peuvent vivre assez longtemps si les conditions favorables sont réunies).

L’ARS diligente un laboratoire agréé (chez nous c’est Labocea) pour venir effectuer des prélèvements d’eau de mer à un endroit très précis de chaque plage. La directive européenne 2006/7/CE dit que c’est là où l’on s’attend, théoriquement, à trouver le plus de baigneurs, ou là où le risque de pollution est le plus important… donc près des embouchures de cours d’eau pour les plages estuaires comme celle du Château.

Toutes les analyses effectuées pendant les 4 dernières années sont réunies (ou sont sensées être réunies…) dans un tableau Excell. Le classement de la plage est alors calculé à partir de 2 formules statistiques, celle du percentile 90 et celle du percentile 95.

Certains sites de baignade, même après les bidouillages de l’ARS, sont si pollués par les bactéries fécales, qu’ils demeurent classés plusieurs années consécutivement en classement « insuffisant ». (Croix et Barrachou à Guisseny, Mazou à Porspoder, Château à Landunvez…).

La plage du Château, à Landunvez, est ainsi fermée depuis 2019 suite à 4 années consécutives en classement « insuffisant ». C’est le maire lui-même qui a, par arrêté, interdit la baignade sur sa plage afin d’éviter la cinquième année fatidique, synonyme de fermeture sanitaire administrative.

Les résultats des classements ne s’améliorant pas, la plage reste fermée été après été.


Extrait du profil de baignade de la plage du Château

Le maire nous dira qu’il gère sa plage. Il retire les baigneurs de l’eau, ce qui ne rend pas l’eau plus propre mais cela le dédouane en cas d’infection aiguë d’un baigneur imprudent qui braverait l’interdiction (et dieu sait comme ils sont nombreux…)

La plage du Château durant l’été 2021… c’est tentant d’y piquer une tête !

L’autre aspect de la gestion d’une plage polluée consiste à rechercher la cause des pollutions fécales et à mettre en place les mesures pour résoudre le problème.

Le souci, à Landunvez, c’est que la cause évidente des pollutions fécales n’est pas entendable.

Même si plus grand monde n’est dupe, nos élus doivent absolument allumer des contre-feux afin de fournir au peuple d’autres coupables à incriminer.

Non non non, l’élevage industriel – et ses épandages massifs – n’y est pour rien !!!! C’est de l’agri-bashing que de dire le contraire !

Après avoir dénoncé depuis plusieurs années les assainissements individuels des résidents secondaires, il fallait innover un peu.

Et oui, ça fait un peu tâche d’avouer depuis 10 ans être incapable d’améliorer la situation de quelques dizaines d’habitations sur le bassin versant d’un ruisseau long de seulement 1,5 km.

(APPCL attend toujours de la CCPI, depuis 2021, les précisions demandées sur les ANC (Assainissements Non Collectifs) du bassin versant de la plage du Château. (oui, et pas question de détourner l’attention vers celui de Trémazan, c’est un autre bassin versant qui n’impacte que la plage éponyme !))

Et si on accusait quelqu’un d’autre ?

Certains maires ont choisi les chiens, à Landunvez, le maire a préféré les oiseaux de mer ! Sans rire.

Ils ont le mérite d’être incontrôlables et cela peut justifier une situation qui ne s’améliore pas depuis 2015… Ce serait donc la fatalité.

Alors comment en est-on arrivés à accuser ces pauvres oiseaux qui viendraient, en meute, se soulager, les jours de pluie seulement, sur la seule plage du Château à Landunvez ?

Des analyses très coûteuses ont été réalisées pour la municipalité et la CCPI.

Elles auraient révélé la présence de marqueurs « oiseaux de mer » dans l’eau de baignade de la plage.

Sans rire, il y aurait des oiseaux de mer en Iroise ! Il fallait bien ces analyses pour le savoir.

Le laboratoire agréé Labocéa propose effectivement des analyses basées sur la recherche de marqueurs animaux appelées « bactéroïdales ».

Chaque bactérie « bactéroïdale » recherchée est liée à un type d’animal à sang chaud.

Labocéa peut ainsi discriminer, dans un échantillon d’eau, le marqueur porcin, ruminant, humain, canin, et même oiseaux de mer…

Mais si la détection d’un marqueur peut signifier la présence de l’animal dans le milieu, son absence ne prouve absolument pas que l’animal en question ne participe pas à la pollution fécale de l’eau.

Les bactéroidales, c’est quoi ? *

Ces bactéries ne sont ni des E.Coli ni des entérocoques !

Elles sont sensibles aux UV et à l’eau de mer et elles meurent vite alors que E.Coli et entérocoques sont encore présents dans le sol plusieurs mois après l’épandage. (source : http://ramiran.uvlf.sk/doc98/FIN-POST/COOLS.pdf )

Ceci explique  pourquoi lorsque des pluies succèdent à une période sèche, on retrouve dans l’eau des ruisseaux puis dans l’eau de mer les E.Coli, entérocoques et les seuls marqueurs bactéroïdaux frais (oiseaux, chiens, humains ), mais rarement les marqueurs bactéroïdaux porcins qui n’ont pas survécu dans le sol et lors du transfert vers la plage via l’eau des ruisseaux.

Le maire de Landunvez le sait bien. Quand il fait réaliser ces analyses aux frais de la commune (400€ l’analyse environ… APPCL en a financé une en 2016)

il sait qu’il ne trouvera dans l’eau que les marqueurs de « merde fraîche » (excusez-nous ce langage)

Et donc ceux des animaux qui évoluent dans le milieu, à savoir les oiseaux marins voire les humains.

Donc on ne parle pas de la même chose et donc la Mairie détourne l’attention sur les oiseaux pour justifier la pollution bactérienne mesurée pour l’ARS.

Une affaire de flux…

Le flux de bactéries E.Coli qui pollue les plages provient, via les rivières, des champs et non des oiseaux marins.

APPCL a co-réalisé une étude à partir des données du SAGE du Bas Léon et l’a présentée aux élus et techniciens de la CCPI lors d’un COPIL LPK. Elle prouve de façon évidente cette affirmation..

Les rivières de Landunvez charrient beaucoup de bactéries E.Coli et d’autant plus quand la pluviométrie est importante.

Les DFA (Déclarations de Flux d’Azote), renseignées par les éleveurs eux-même, nous apprennent que le lisier de 26000 cochons est épandu sur le territoire de Landunvez. (pas uniquement ceux de l’élevage industriel Avel Vor, plusieurs autres structures industrielles viennent vider leurs cuves sur la commune et tout se cumule !)

  • Landunvez compte 1500 habitants humains, tous dotés d’un système de traitement des eaux usées…
  • 1 porc émet 30 fois plus d’E.Coli qu’un humain (source Ifremer 1999 (Dupray et al.))

Nous vous laissons analyser ces quelques chiffres…

Un indice tout de même, réfléchissez en termes de flux de bactéries car c’est un déversement massif de bactéries E.Coli qui est nécessaire pour contaminer un tel volume d’eau de mer.

* Pour étayer notre analyse, nous avons rencontré le 26 septembre 2022 chez Ifremer, la chercheuse qui a développé les marqueurs porcin et ruminant. Elle nous a fourni toute la base documentaire pour sourcer nos futurs articles.