14 juillet 2020 – Pollutions des eaux de baignade, comment masquer l’impact grandissant des exploitations industrielles (20 ans de mensonges à grande échelle)

Un joli dessin peut permettre d’introduire un sujet qui peut sembler complexe de prime abord.

D’après-vous, si ce bateau vous appartenait et si bien sûr vous y teniez un petit peu, quel serait votre premier réflexe pour éviter qu’il ne sombre ?

  1. Mettre votre doigt sur la fuite n°3 ?
  2. Mettre un pied sur la fuite n°2 ?
  3. Mettre un doigt sur la fuite n°3 et un pied sur la fuite n°2 ?
  4. Mettre un doigt sur la fuite n°3 et un pied sur la fuite n°2 et un grand drap autour de la fuite n°1 pour éviter que les autres marins ne voient pas cette dernière ?
  5. Autre idée ?

Pour APPCL, il faudrait classer les sources potentielles de pollutions fécales dans cet ordre :

  1. Les épandages massifs d’effluents d’élevages sur les bassins versants des plages.
  2. Le pâturage agricole sur les bassins versants des plages.
  3. Les assainissements individuels défectueux.

Pourquoi ce classement ?

Si toutes ces causes de pollutions existent et doivent être traitées, il convient toutefois d’attribuer un poids à chacune afin de prioriser les réponses à y apporter.

Poids de l’élevage industriel en Pays d’Iroise.

Plutôt que de faire de grands discours, juxtaposons plusieurs cartes (estampillées République française ):

Comparons les densités de bovins, porcins et humains.

  • Densité de porcs produits (par an) sur les bassins versants des plages : plus de 3000 /km².

Soyons honnêtes, la durée de vie d’un porc dans une ferme industrielle est de seulement 6 mois.

On peut donc plutôt tabler sur plus de 1 500 porcs /km² en permanence sur les bassins versants d’Iroise.

  • Densité de vaches > 70 par km² sur les bassins versants des plages.

Pour être complets et pour comparer, cherchons la densité d’humains /km² ?

Cette carte montre à l’évidence qu’en Pays d’Iroise, la densité de population ne dépasse pas 200 habitants/km². (Saint-Renan mis à part)

Prenons Porspoder et Landunvez comme exemples de communes côtières.

  • Porspoder : 11,29 km² pour 1 810 habitants soit 160 habitants /km².
  • Landunvez : 13,53 km² pour 1 475 habitants soit 109 habitants /km².

Partons de l’exemple le plus défavorable, celui de Porspoder avec ses 160 habitants /km².

Humains /km²Bovins /km²Porcins/km²
160>70>1500

Ainsi, si on veut maximiser l’impact humain, on pourra dire qu’il y a 1 vache pour 2 humains et 21 porcs.

Il y a donc près de 10 porcs par habitant !

Poids respectifs en terme d’introduction dans l’environnement de bactéries E.Coli

Pourquoi parler de ces bactéries E.Coli ?

Ces bactéries sont des révélateurs des pollutions fécales et ce sont elles que le laboratoire Labocea dénombre dans les échantillons d’eau prélevés dans les eaux de baignade des plages.

La directive européenne 2006/7/CE fixe les concentrations de bactéries E.Coli et entérocoques à ne pas dépasser.

Les chiffres qui suivent sont des données utilisées par IFREMER dans de nombreux dossiers comme le suivant :

https://archimer.ifremer.fr/doc/00129/24048/22011.pdf (page 15)

« La quantité de germes rejetés dans les fèces est variable en fonction des espèces et des micro organismes. Selon le modèle de l’équivalent-habitant utilisé en assainissement et la moyenne des flux d’excrétion cités dans la littérature, on estime qu’un bovin excrète une quantité cumulée d’Escherichia coli 5 fois supérieure à l’homme (Dupray, 1999).

»

Ainsi, quand on veut parler de pollution bactérienne des eaux de baignade, il faut pondérer la densité de population de chaque espèce animale par un coefficient nommé l’équivalent habitants /jour.

Humains en Eq habitants/km²Bovins en Eq habitants /km²Porcins en Eq habitants/km²
160 x1 =160>70 x 5 = 350>1500 x 30 = 45 000

En Pays d’Iroise, si on s’intéresse aux quantités de germes E.Coli introduites dans l’environnement, on aurait environ

  • 160 habitants humains /km²,
  • Pour les vaches, 350 équivalents habitants /km² soit près du double.
  • Pour les cochons, 45 000 équivalents habitants /km² soit 281 fois !!!!

Avec ces chiffres, on retrouve bien l’image initiale de notre bateau qui prend l’eau.

D’autant plus que les habitants humains disposent quasiment tous de dispositifs d’assainissement permettant de limiter leur impact sur l’environnement.

Si effectivement certaines fermes traitent une partie de leurs effluents, la partie brute épandue reste très importante et le lixiviat traité demeure fortement chargé en bactéries et germes divers.

Il suffit d’une pluie pour que le ruissellement des terres d’épandage apporte aux plages une bonne partie de la pollution bactérienne chronique du bassin versant.

Prendre l’eau, voilà bien ce qui pourrait arriver à l’activité touristique si l’on continue dans cette voie.

Les nitrates, bon indicateur de pollution liée aux épandages agricoles :

Pour appuyer encore la démonstration intéressons nous au paramètre nitrate.

La première carte montre que la quantité d’azote produite est colossale en Pays d’Iroise.

La seconde vient préciser la première en montrant bien qu’une bonne partie de cet azote est effectivement épandu sur les champs.

Ces cartes illustrent le fait que les épandages agricoles sont énormes en Pays d’Iroise. Bien plus que partout ailleurs en France.

Voilà une cause potentielle de fuite pour notre bateau qu’il conviendrait de colmater prestement si on ne veut pas qu’il ne coule.

Mais non !

Notre image du bateau est judicieuse puisqu’au lieu de traiter cette fuite béante de bactéries vers les plages, nos responsables font tout pour la cacher.

A l’image du drap qui cache la fuite (image du bateau), ce sont des rideaux de fumée, des contre feux qui sont allumés tous azimuts pour masquer ce qui saute aux yeux (ou au nez plutôt !)

A en croire les responsables des eaux de baignade, (maires généralement et CCPI pour la rédaction des profils de baignade) il faudrait classer les sources potentielles de pollution ainsi :

  1. Les assainissements individuels défectueux, vous polluez c’est mal ! Alors on va vous faire payer très cher le service de l’assainissement mais on ne va surtout rien faire de concret afin d’éviter que le drap ne tombe…
  2. Les vaches qui s’abreuvent au ruisseau. Il faut donc les écarter, grâce à des pompes à museaux. C’est la CCPI qui finance ces pompes et cela constitue la mesure phare du volet agricole des programmes d’actions. (mais à y réfléchir, les vaches ne font pas plus de bouses dans les ruisseaux les jours de pluie que les jours de beau temps… cela n’aurait donc aucun rapport avec la pollution constatée les jours de pluie… zut raté !)
  3. les chiens, les chevaux et les moutons qui pulluleraient sur les bassins versants des plages.
  4. Les épandages !!!!! et puis quoi encore, vous faites de l’agri-bashing, c’est mal, vous voulez qu’on appelle DEMETER ?

Quelques mesures d’urgence de bon sens

  • Interdire toute extension d’élevage industriel sur les bassin versants sursaturés voire dans toute commune classée en ZAR (ancienne ZES zone d’excédent structurel).
  • Faciliter la conversion des élevages vers le bio ou des productions moins impactantes pour le territoire.
  • Interdire tout épandage à proximité des cours d’eau.
  • Vérifier les pentes des terres agricoles et interdire tout épandage à moins de 100 m des ruisseaux si la pente du champs dépasse 7 %.
  • Vérifier, in situ, que les bandes enherbées sont scrupuleusement respectées. (un drone suffit à constater que ce n’est pas le cas à bien des endroits)
  • Imposer le déplacement des dispositifs illégaux de stockage du lisier (fosses à lisier, lagunes d’effluents). Une distance de 35 mètres au minimum est imposée par la réglementation.
  • Imposer la remise en état des lits des ruisseaux. (et oui, car bien souvent, quand le ruisseau est à moins de 35 m de la fosse à lisier, la solution a consisté à détourner le ruisseau!)
  • Imposer la remise en état des zones humides dégradées.
  • Stopper immédiatement de rayer des cartes les zones humides ancestrales !
  • Communiquer ouvertement et de façon honnête et éclairée sur l’impact de l’élevage industriel en Bretagne.  

En gros, commençons par appliquer les lois !