5 novembre 2021 – Porcherie industrielle de Landunvez: Un jugement attendu

Ça y est, la cour d’appel de Nantes a rendu son verdict dans l’affaire Avel Vor.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce jugement donne entièrement raison aux 3 associations qui s’étaient unies contre ce projet démesuré et anachronique. (AEPI, ERB et APPCL).

Un rappel historique s’impose.

Landunvez est un charmant bourg situé à proximité de la côte rocheuse mais aussi de magnifiques plages de sable fin qui font le bonheur des familles depuis toujours.

Landunvez est également une commune rurale où le secteur agricole occupe une place importante.

Au début des années 90, une des fermes située à proximité du bourg, a commencé à grossir, grossir ! Et c’est tout l’environnement proche qui s’est vu chamboulé.

D’un élevage familial d’une vingtaine de vaches et de quelques porcs, Avel Vor est devenu, extension d’élevage après extension d’élevage, un mastodonte incontrôlable.

https://www.letelegramme.fr/finistere/brest/elevage-comment-fonctionne-une-porcherie-09-06-2016-11100535.php

Le site de Kervizinic en 2002

  • En 2008, le Préfet autorisait le passage à 6 668 Animaux Équivalents. L’éleveur se dote d’une station de traitement du lisier surdimensionnée.

Le site de Kervizinic en 2012

  • En 2013 , le Préfet autorise le passage à 8 965 Animaux équivalents.

Le site de Kervizinic en 2015

  • En 2016 , le Préfet autorise le passage à 12 090 Animaux équivalents. Imaginez, + 3 125 porcs en un trait de crayon, ce cheptel génère dorénavant plus de 60 tonnes de lisier par jour !

Trop c’est trop, en seulement 8 ans, le nombre de porcs a quasiment doublé et le GAEC Avel Vor est devenu une SARL mais surtout l’une des plus grosses fermes usines de France !

Le site de Kervizinic en 2018

Un collectif de citoyens et d’associations s’est alors créé en réaction à cette aberration écologique et sanitaire située à seulement 120 m du bourg, de l’école, de la crèche et à 18 m du ruisseau qui se jette sur la plage de Penfoul.

Les associations AEPI (Avenir et Environnement en Pays d’Iroise) APPCL (protection et promotion de la côte des légendes) et ERB (Eau et rivières de Bretagne) se sont associées, en 2016, dans un recours au Tribunal Administratif de Rennes pour contester l’autorisation préfectorale aberrante.

Après 3 ans de bagarre judiciaire âpre et intense, le jugement est tombé le 17 mai 2019. L’autorisation préfectorale de 2016 est annulée.

Ouf, l’élevage industriel doit revenir à sont cheptel antérieur alors ?

Mais non, bien sûr ! Car il aura suffi d’un mois, suite au jugement, pour que le Préfet Lelarge signe un arrêté provisoire afin que l’éleveur puisse exploiter l’intégralité de son cheptel « avant régularisation » !!!

https://www.letelegramme.fr/finistere/landunvez/landunvez-avel-vor-la-porcherie-va-devoir-regulariser-sa-situation-19-07-2019-12342550.php

En résumé, le Préfet s’assoit sur la décision du Tribunal, il autorise quand même…

Mais l’éleveur n’a pas simplement opté pour la régularisation de sa situation, il a choisi de faire appel du jugement rennais. Il en fait visiblement une affaire de principe.

Rebelote pour les associations unies dans ce combat.

Une nouvelle bataille judiciaire commence.

Il faut imaginer le nombre incalculable d’heures de travail bénévole que nous avons consacrées afin de fouiller les dossiers, faire des recherches historiques, des prises de vue des conférences, des dossiers, des présentations etc. Et les finances engagées par les associations.

Dieu merci, Eau et Rivières de Bretagne était là pour accompagner les assos locales car son appui juridique et humain a été indispensable pour mener à bien cette lutte.

L’audience a eu lieu le 19 octobre dernier et le jugement est tombé ce jour : La requête en appel d’Avel Vor est rejetée. L’affaire de principe vire donc au fiasco.

APPCL prend acte de ce jugement.

Notre association ne crie pas victoire, nous vivons ce jugement comme le retour du bon sens. C’est l’environnement qui a gagné une bataille.

Une phrase du rapporteur public, lors de l’audience en première instance, résume bien la situation :

« La question n’est pas seulement de savoir si l’exploitation risque de contribuer à une dégradation des eaux de baignade littorales, que l’étude d’impact doit traiter, mais du fait que cette dégradation n’est pas une éventualité parce qu’elle est déjà observable ».

En d’autres termes, on n’en est plus à se demander si l’extension de l’élevage aura un impact sur l’environnement de Landunvez, il en avait déjà un avant, quand le cheptel était de 8 965 Animaux équivalents…

En effet, outre le nombre impressionnant de cochons, il faut imaginer les volumes colossaux de lisier à gérer, les surfaces énormes de terres consacrées à la culture conventionnelle de céréales pour nourrir les animaux.

Le nombre de talus arasés pour laisser place à des parcelles gigantesques à l’aspect lunaire…

Évolution d’une des zones du plan d’épandage de l’élevage (entre Kervizinnic et Kerincuff)

Reste du paysage bocager des années 1990, une zone sans vie, l’équivalent d’une soixantaine de terrains de football… et au bout, le Foul, la rivière qui se jette à Penfoul.

Le dossier Avel Vor est emblématique, il a fait couler beaucoup d’encre.

Mais ne nous leurrons pas, des dossiers aberrants autorisés ou régularisés, c’est le lot quotidien en Bretagne.

Alors, notre association émet un vœux, celui que, dorénavant, les services de l’État n’étudient plus les dossiers d’extensions en se fiant aux déclarations des exploitants, en faisant comme si l’élevage étudié était seul au monde.

Nous voulons que les études d’impacts soient désormais soumises à l’étude sincère des effets cumulés de tous les acteurs à l’échelle du bassin versant.

Quant à une éventuelle régularisation préfectorale, il serait tout de même ahurissant qu’un Préfet se permette de piétiner deux décisions de justice consécutives pour en arriver à régulariser l’irrégularisable. Il serait pénalement responsable.