Régularisation de l’élevage porcin industriel Avel Vor de Landunvez, une enquête publique qui n’a pas lieu d’être. Un commissaire enquêteur à la solde du lobby ?

Il est important de rappeler quelques éléments de contexte avant de s’occuper de M Soubigou, le commissaire enquêteur opportunément choisi par la Préfecture pour régulariser l’élevage industriel Avel Vor.

La justice administrative s’est déjà prononcée à deux reprises contre l’extension de l’élevage Avel Vor de landunvez :

  • 2019 : Le Tribunal administratif de Rennes annule l’autorisation préfectorale de 2016.
  • 2021 : La cour d’appel de Nantes confirme la décision du T.A de 2019.

Il est évident, pour qui se donne la peine d’évaluer objectivement les arguments des opposants à cette extension démesurée, que l’autorisation de 2016, accordée par le Préfet, est pour le moins dangereuse pour l’Environnement de Landunvez mais aussi pour la santé et le cadre de vie de ses habitants et des habitués des plages de la commune.

Les deux décisions de justice sont parfaitement motivées et sans équivoque.

Un éleveur industriel très influent

Les caprices d’un des plus influents lobbyistes du secteur porcin industriel ayant été invalidés par les juges, le Préfet a choisi de contourner la justice administrative en diligentant une procédure dite de « régularisation » d’Avel Vor.

Il faut savoir que M Bizien, l’éleveur, est aussi président du Comité Régional Porcin, président de la coopérative Evel’Up, Président de la société Evalor, et lobbyiste très influent…

Ce dernier n’avait bien entendu pas attendu les décisions de justice de 2019 et 2021 pour faire construire ses nouveaux bâtiments et accroître son cheptel afin de se rapprocher des 12 090 Animaux équivalents indûment autorisés.

Dès 2017, Avel Vor produisait déjà plus de 26 000 porcs charcutiers par an ! Et par conséquent plus de 60 tonnes de lisier par jour  !

La politique du fait accompli, une plaie bretonne

La politique du fait accompli étant devenue la norme en Bretagne en matière d’élevage, le principal argument avancé pour tenter de justifier la procédure de « régularisation » est naturellement le fait que les travaux sont déjà réalisés.

« Le pauvre éleveur, on ne va pas lui demander de respecter les décisions de justice tout de même »

Imaginons un seul instant que les particuliers se permettent de devancer ainsi les décisions de justice, nous serions dans un monde de parfait non-droit !

Une procédure parfaitement biaisée

Pour se prémunir des mauvaises surprises, il suffisait de choisir le bon commissaire enquêteur, un homme ayant fait ses preuves en délivrant sans moufeter des avis favorables à toutes les demandes d’extensions d’élevages, sans faute !

Un vrai bon petit soldat du lobby… un gendarme en retraite… habitué à respecter les ordres venus d’en haut.

Il faut dire que notre éleveur aux multiples casquettes a été échaudé, en 2016, par l’avis défavorable que M Géreault, le commissaire enquêteur (trop) courageux désigné lors de la précédente enquête publique, avait délivré.

Quelle outrecuidance ! Mais rassurons-nous, il a été radié dans la foulée du collège des commissaires enquêteurs !

Jacques Soubigou, l’homme de la situation

Peu de chance que M Soubigou s’aventure à froisser le système établi.

Ce monsieur ne connaît rien au sujet, mais il est toujours prompt à donner son « avis personnel », d’ailleurs immanquablement en phase avec celui du lobby porcin. (lors des entretiens avec le public, dans ses rapports…)

Reprenons, pour illustrer ce propos, son appréciation rendue dans le dossier Avel Vor (copié/collé de son avis rendu dans le dossier d’extension de l’élevage porcin Kerascot de Plouarzel…)

« Appréciations du commissaire enquêteur
Le commissaire enquêteur prend acte des réponses du maitre d’ouvrage, lequel répond précisément aux interrogations et questions formulées.
Il semblerait que plusieurs de ces intervenants se soient exprimés sans prendre réellement connaissance du dossier présenté à l’enquête publique. » 

M Soubigou estime que bon nombre d’intervenants se sont exprimés « sans prendre connaissance du dossier ». Il range apparemment dans cette catégorie la plupart des avis défavorables (près de 3500). Pourtant, s’il avait pris le temps de vraiment lire les avis déposés et de les analyser correctement, il aurait conclu bien différemment.

S’il avait pris le temps d’assister à la réunion publique organisée pas les associations environnementales à Landunvez, il aurait constaté que le nombreux public présent voulait obtenir une information objective sur le sujet et non pas se contenter du dossier 1000 pages de l’éleveur, conçu pour rendre sa lecture difficile et fastidieuse. (grief d’ailleurs relevé par la Mission Régionale d’Autorité Environnementale, redondances, données techniques brutes à foison, autant d’artifices pour repousser les lecteurs )

Le syndicat majoritaire FNSEA, les salariés de la coopérative Evel’Up et les amis de M Bizien se sont effectivement mobilisés pour lui venir en aide, mais ils ont servi un discours stéréotypé.

Ils ont certes pris la peine de paraphraser la version officielle mais leur argumentaire reste globalement le même. Celui d’une défense aveugle de l’élevage industriel sans rentrer dans le contenu du dossier ni les spécificités locales.

Extrait des conclusions du commissaire enquêteur (Régularisation2022 Avel Vor)

M Soubigou répète ici l’argumentaire pour le moins désuet qu’il avait déjà osé avancer dans son avis concernant l’extension de l’élevage de Kerascot à Plouarzel.

Extrait des conclusions du commissaire enquêteur (extensions élevage porcin Kerascot plouarzel)

Les algues vertes seraient le fait de l’assainissement urbain !!!!!

La profession agricole, elle-même, ne se permet plus, de nos jours,d’avancer de telles inepties.

Cette seule phrase démontre que ce monsieur ne connaît rien au sujet et n’a même pas essayé de se renseigner sur la géographie des lieux.

En effet, aucun système de rejet de station d’épuration n’est situé sur la commune de Landunvez (la STEP la plus proche est celle de Porspoder et son rejet d’eaux usées traitées se fait sur le bassin versant du Melon.)

En guise d’expertise, M Soubigou en est resté au discours du lobby porcin des années 1980.

pourtant, beaucoup d’eau nitratée a coulé dans les buses illégales de la SARL Avel Vor depuis !

Ines Léraud a même publié un best-seller sous forme de bande dessinée sur le sujet qu’il était fort simple de consulter pour éviter de se discréditer de la sorte.

Il est bien évidemment acquis depuis bien longtemps, que le développement des algues vertes est multifactoriel mais que le carburant principal de cette prolifération anarchique d’ulves malodorantes est l’excès de nitrates dans les cours d’eau.

M Soubigou pense-t-il sérieusement que les taux de nitrates records mesurés en Bretagne et à fortiori à Landunvez sont le fait des assainissements ?

À Landunvez, il y a 1500 habitants qui traitent tous leurs eaux usées (ANC ou réseau collectif)… Avel Vor, annonce épandre le lisier brut de 10 % de ses 12 000 animaux équivalents et l’intégralité de ses eaux traitées sur ses terres qui sont toutes situées sur les bassins versants des cours d’eau de Landunvez.

Les élus auraient rassuré notre commissaire enquêteur en lui signifiant que le problème était « en cours de résolution ».

Précisons que ces élus sont pour la plupart en lien direct avec le secteur agroalimentaire et parfois même « copain comme cochon » avec l’éleveur…

« Concernant les problèmes de pollution des eaux de baignades évoqués par des participants à l’enquête publique, le commissaire enquêteur a sollicité les élus locaux pour avoir connaissance de la situation des dernières analyses effectuées. Le document communiqué en date du 23 octobre 2021 par la commission Environnement et Aménagement du Territoire et le concours de la CCPI donne le bilan ci-après : (copie jointe en annexe 6). »

Une nouvelle fois, M Soubigou démontre de façon criante son incompétence et son parti pris.

Au lieu de se renseigner auprès des associatifs, qui ont tout de même porté en 2020 le dossier de la gestion française des eaux de baignade auprès de la commission européenne, qui ont également en 2021 déposé une action contre l’ARS Bretagne auprès du Tribunal administratif de Rennes pour mauvaise interprétation de la directive 2006/7/CE, et qui ont produit plusieurs rapports très détaillés sur le sujet, il a cru bon de se contenter de l’avis biaisé des élus locaux.

Ces mêmes élus qui sont chargés, dans leurs communes respectives, de la gestion des baignades.

Les maires ont tout intérêt à nier la situation préoccupante des eaux de leurs plages estuaires, ne serait-ce que pour ne pas faire fuir les touristes.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les élus du pays d’Iroise et le maire de Landunvez en particulier, sont passés maîtres dans l’art de regarder là où il ne faut pas . Ils ont bien compris que les analyses sur les marqueurs bactéroïdaux (présentés comme une preuve par M Soubigou dans son rapport) peuvent aisément servir à dédouaner artificiellement le secteur de l’élevage si on savait les manier judicieusement.

En résumé, M Soubigou avait un avis bien tranché avant d’entamer son enquête publique.

Il a scrupuleusement écarté tous les arguments n’allant pas dans son sens et n’a gardé que ceux qui lui plaisaient. Ce monsieur démontre, en deux phrases que son expertise en matière environnementale est proche du néant.

Son résumé est affligeant de partialité.

Tous les avis défavorables seraient le faits d’étrangers à la commune, forcément liés aux associations environnementales et trop limités intellectuellement pour avoir pris le temps de lire et de comprendre le lourd dossier de régularisation d’Avel Vor (ces avis sont donc jugés comme non pertinents) quand les avis favorables rédigés par des coopérateurs Evel’Up ou des sympathisants de la FNSEA seraient parfaitement recevables et dignes d’intérêt… quand bien même le GAEC trucmuche se trouverait en Ille et Vilaine !

Les 3400 avis défavorables déposés par l’intermédiaire de « Cyber acteurs » sont tout bonnement écartés ! même ceux comportant plusieurs pages d’argumentation. (ont-ils même été lus ?)

M Soubigou nous livre dans son rapport son « opinion personnelle » alors que personne ne la lui a demandée et finit bien évidemment par remplir la mission pour laquelle il avait été choisi : délivrer un avis favorable.

Cette enquête publique est si caricaturale qu’elle en perd toute légitimité.

Cette procédure de « régularisation » n’avait aucune légitimité à la base puisque la justice a déjà tranché à deux reprises et qu’en droit, on ne revient pas sur la chose jugée.

Les associations n’ont pas attendu que M Soubigou rende sa copie pour déposer un recours auprès du Tribunal Administratif pour dénoncer cette procédure de régularisation qui, de toute évidence, est illégale.

Ce dossier d’enquête publique est si caricatural qu’il en devient presque une pièce à conviction démontrant la mainmise d’un lobby nocif sur une région toute entière.

https://reporterre.net/Les-lobbies-agroalimentaires-pesent-sur-l-election-en-Bretagne (ce qui est vrai pour la région est encore pire localement)

Nos actions conjointes avec les associations AEPI et Eau et Rivière de Bretagne :
– En suivant ce lien, un « Billet d’humeur » rédigé par l’AEPI suite à la lecture du rapport.
– Puis,pour ceux qui veulent en savoir plus, une analyse beaucoup plus détaillée des errements du commissaire enquêteur, rédigée par l’APPCL.
– Nous avons également, avec ERB et AEPI, alerté le Tribunal administratif de Rennes sur l’irrégularité de ce rapport lequel ne reproduit pas impartialement les avis émis par le public comme le prescrit le code de l’environnement.
– Enfin nous sommes en contact avec la presse afin de dénoncer haut et fort cette parodie d’enquête publique et la confiscation du seul moyen d’expression des citoyens.