La régularisation d’Avel Vor et le jugement sur le classements des eaux de baignades

Mis en ligne le 27/06/2023

Au lendemain de la publication du jugement du tribunal administratif de Rennes sur les classements des eaux de baignade bretonnes, il nous a semblé intéressant de nous replonger dans l’étude d’impact présentée par Avel Vor en vue de sa régularisation / extension de 2022.

Nous rappelons que les causes des pollutions bactériennes des eaux de baignade peuvent être multiples et que des groupes de travail ont été mis en place par le sous-préfet de Brest pour essayer d’améliorer la qualité des eaux. L’une des premières décisions du groupe de travail de Landunvez a été de valider la réalisation d’une étude sérieuse et indépendante qui pourra permettre d’en savoir plus sur le sujet.

Voici le chapitre consacré aux eaux de baignades de Landunvez qu’on trouve dans l’étude d’impact remise par l’éleveur au préfet :

Nous avons obtenu, non sans mal, et en faisant intervenir la CADA (commission d’accès aux documents administratifs), le fichier EXCEL du SAGE du Bas Léon contenant les résultats de toutes les analyses réalisées dans les cours d’eau du secteur de Landunvez (entre 2017 et 2021).

Nous en avons réalisé une étude qui démontre, contrairement à ce qu’écrit l’éleveur, que la qualité bactériologique, des rivières qui se jettent à Penfoul, Château et Kersaint sont en état insuffisant.

L’argument développé dans le dossier d’extension selon lequel « ces dernières années, la qualité des eaux s’est améliorée » s’avère donc péremptoire et infondé.

L’éleveur fournit dans l’étude une vue d’ensemble de son plan d’épandage, voulant sans doute démontrer que ses terres sont éloignées des plages. Il oublie de repérer sur sa carte un élément primordial, à savoir les cours d’eau.

En effet, les épisodes pluvieux entraînant des pollutions des eaux de baignade ne concernent que rarement des ruissellements directs des terres vers la plage mais des ruissellements des terres vers la rivière qui se jette sur la plage.

Nous avons ajouté sur cette carte les 3 cours d’eau de Landunvez. Toutes les terres d’épandage d’Avel Vor sont situées sur les bassins versants des plages de Penfoul, Château ou Gwisselier.

Nous avons ajouté en bleu les cours d’eau

Si on zoome maintenant sur le bassin versant de la plage du Château (en rouge), on se rend compte qu’Avel Vor épand son lisier sur des terres qui sont contiguës avec des zones humides (en orange sur ce document issu du profil de baignade de la plage) et en lien direct ou indirect avec la rivière qui se jette sur cette plage qui est interdite à la baignade depuis 2019 pour raison sanitaire.

Document complété par nos soins. En jaune les terres d’épandage d’Avel Vor et en hachuré, celles qui font partie du bassin versant de la plage du Château (le recensement n’est pas exhaustif car il y a des prêteurs de terres sur ce BV )

Nous n’avançons pas, bien sûr, qu’Avel Vor est le seul élevage industriel à épandre sur ce bassin versant. Les effets de ses épandages se cumulent bien sûr avec ceux des autres.

C’est d’ailleurs pour cela que les jugements administratifs pointent l’insuffisance de l’étude d’impact de l’éleveur. (notamment sur le manque d’étude des effets cumulés (2019))

On peut maintenant s’amuser à corriger point par point le chapitre concernant les eaux de baignade produit dans le dossier d’étude d’impact 2022 :

Sur ce tableau, publié par la municipalité de Landunvez lors de l’été 2021, on constate une dégradation de 2016 à 2017 du classement de Penfoul (d’un classement « bon » à un classement « suffisant ») puis un retour à un classement « bon » est affiché en 2019.

Ceci est la copie officielle soutenue par la commune et l’ARS.

Par un jugement en date du 22 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes est venu confirmer le fait que les classements des plages de Bretagne avaient été « tripatouillés » depuis 2016 !

Nous avons recalculé les classements de Penfoul en appliquant les dispositions de ce jugement :

Voici donc ce qui aurait dû être affiché dans les panneaux d’entrée des plages et sur le site internet du ministère de la santé :

Le constat évident est donc que la qualité des eaux de baignade de Penfoul s’est fortement dégradée à partir de 2016 pour atteindre en 2017 et 2018 un classement insuffisant.

Il y avait donc péril en la demeure, en 2016, quand les manipulations de l’ARS ont débuté.

Le Préfet a pourtant autorisé Avel Vor à porter son cheptel de 8 964 animaux à 12 090 animaux le 1er avril 2016 !

– Mais alors, la qualité des eaux s’est tout de même améliorée en 2019 ?

En fait, c’est le classement qui s’est amélioré, pas la qualité de l’eau… et pour cause, le maire et l’ARS ont déplacé en catimini le point de contrôle de 600 m vers le large, loin de l’exutoire de la rivière, et des baigneurs…

Nous avons découvert la chose en remarquant que les coordonnées GPS du point de contrôle avaient changé, en 2018, dans les tableaux Excel que la France rapporte à l’Europe.

Donc, non content de casser le thermomètre, on a choisi de mesurer la fièvre loin du patient…
Quelle que soit la motivation de cette amélioration artificielle des classements, on voit bien l’intérêt pour certains que les classements s’améliorent tout seuls, afin qu’on évite de s’intéresser vraiment à la qualité des eaux en Bretagne…

Le retour sur les écrits d’Avel Vor est à ce titre particulièrement éclairant :

Avel Vor n’est certes pas le seul élevage à épandre sur le bassin versant de la plage du Château mais il en est le principal !

68 ha, ce n’est pas rien, c’est même beaucoup quand on sait que son plan d’épandage total recouvre une surface de 147 ha. 46 % du plan d’épandage de cet élevage se trouve donc sur le bassin versant du Château !

Le flux bactérien potentiellement induit par les épandages d’Avel Vor sur ce bassin versant est donc énorme.

Et tout cela en supposant bien sûr que les plans d’épandages sont bien respectés, ce qui est impossible à prouver car les seuls contrôles se font sur des déclarations.

Si les contrôles de vitesse se faisaient à partir des déclarations des automobilistes, il y aurait sans doute peu de PV, mais beaucoup d’excès de vitesse.

Les flux bactériens liés aux épandages (par définition non traités), représentent en fait plusieurs dizaines de fois ceux de la population, dont 99% des flux bactériens sont traités, eux.

Nous avons sûrement l’esprit mal tourné mais nous, nous trouvons que la « corrélation entre la qualité des eaux de baignade de la plage du Château et l’activité d’élevage de la SARL Avel Vor » est au contraire évidente.

Quant à la plage de Gwisselier, ses classements ont également profité des manœuvres de l’ARS et d’un déplacement du point de contrôle en 2018.

Bref, Avel Vor a de toute évidence directement bénéficié des classements erronés des sites de baignade de Landunvez puisque dans tous ses dossiers, une prétendue amélioration de la qualité de l’eau est immanquablement mise en avant.

Nul doute que le choix du Préfet d’autoriser l’extension a lui aussi été influencé par les classements des plages artificiellement améliorés.

Si la triche a bénéficié à Avel Vor, sur Landunvez, elle a aussi permis à de nombreuses autres structures d’élevage industriel, sur tout le territoire breton, de démontrer de façon fallacieuse leur prétendu non impact sur les eaux de baignade.

Ce scandale révélé par nos associations (ERB, APPCL et AEPI) va peut-être permettre de donner un grand coup de pied dans la fourmilière…