Le mauvais profil de la plage du Château…

mis en ligne le 13 février 2024

Savez-vous ce qu’est un profil de baignade ?

« Le profil consiste à identifier les sources de pollution susceptibles d’avoir un impact sur la qualité des eaux de baignade et d’affecter la santé des baigneurs et à définir, dans le cas où un risque de pollution est identifié, les mesures de gestion à mettre en œuvre pour assurer la protection sanitaire de la population et des actions visant à supprimer ces sources de pollution. »

https://baignades.sante.gouv.fr/baignades/editorial/fr/actualites/guideprofil.pdf

La réalisation d’un profil de baignade est imposée par la directive européenne sur les eaux de baignade. Concrètement, c’est un dossier scientifique et technique d’une centaine de pages environ qui décortique tous les aspects du bassin versant de la plage et qui liste et évalue les causes probables de pollution des eaux. Les profils sont réalisés sous la responsabilité des maires, en charge de la police des baignades.

S’ils sont bien faits, ces dossiers sont une mine d’information pour définir les actions et résoudre les problèmes de pollution des eaux de baignade.

Le profil de baignade de la plage du Château à Landunvez

Les premiers profils de baignade des plages de Landunvez datent de l’année 2011, ils ont été réalisés par le laboratoire IDESA (devenu Labocéa par la suite).

Le profil 2011 de la plage du Château est très complet, et met bien en évidence l’impact très important du ruisseau qui se jette sur la plage dans les pollutions bactériennes qui affectent ce site de baignade. La révision de ce profil de baignade a été effectuée en 2019 par le bureau d’étude DCI Environnement. La plage étant de mauvaise qualité, et comme le prescrit la directive européenne, une nouvelle révision a été réalisée par Labocéa en 2022, elle a été remise au maire en 2023.

En 2021, apparemment convaincu que l’élection lui avait donné les compétences scientifiques nécessaires, le maire de Landunvez a publié un rapport qui désignait comme la cause principale de la pollution de la plage…les oiseaux marins ! (voir l’article :http://www.appcl.infini.fr/6890/). Ce rapport a servi de support à une large communication visant apparemment à détourner le projecteur du bassin versant de la plage où l’on épand énormément de lisier chargé de bactéries, pour le braquer vers l’estran où il arrive de trouver quelques dizaines d’oiseaux…

Soucieux que l’Iroise n’apparaisse plus en rouge sur la carte des plages polluées, le sous-préfet de Brest a mis en place des groupes de travail sur les eaux de baignade où les différents acteurs de la CCPI se réunissent pour avancer sur ce sujet. En ce qui concerne la plage du Château, la thèse des goélands pollueurs n’a pas été retenue, pas plus d’ailleurs que celle des assainissements individuels défectueux, trop peu nombreux pour expliquer les pollutions massives.

En effet, quand on étudie les flux bactériens potentiels générés par les différentes causes de pollution recensées dans le profil de baignade, on comprend rapidement que c’est le ruisseau qui est le seul en mesure de charrier autant de bactéries et que ce n’est pas la pluie qui pollue mais ce qu’elle rencontre en tombant sur le bassin versant. Rien de neuf : c’est ce qu’avait établi le premier profil de baignade dès 2011…

La révision de 2023 : un profil de baignade dénaturé

Le profil de baignade est un document public légalement accessible à tous, mais qu’il faut dans la pratique demander à la mairie ou à la CCPI. APPCL s’est procuré la révision du profil de baignade de la plage du Château 2023, et l’a étudiée en détail.

Quelle ne fut pas notre surprise en découvrant ce dossier, où une analyse initiale rigoureuse semble avoir été complètement dénaturée par la suite : alors que cette analyse conduit tout naturellement à rechercher les causes des pollutions sur le bassin versant, les conclusions s’attachent au contraire à mettre en doute cette hypothèse. Et on y retrouve notamment le fameux rapport municipal incriminant les oiseaux marins qui contribue à parasiter l’étude.

Comme il nous paraissait difficile d’imaginer qu’un bureau d’étude sérieux et compétent comme LABOCEA ait pu produire un tel document, nous avons décidé d’interroger la CCPI, maître d’ouvrage de la révision des profils de baignade, et donc de l’adoption de la version finale.

APPCL et Eau et Rivière de Bretagne ont donc cosigné un courrier qu’ils ont adressé au président de Pays d’Iroise Communauté.

Lien vers le courrier décrivant les anomalies du profil de baignade du Château.

A ce jour, plus de deux mois après l’envoi, nous n’avons encore reçu aucune réponse de la CCPI.

On est tentés de penser que ce silence confirme notre hypothèse que le projet de profil de baignade établi par LABOCEA pourrait avoir été révisé ultérieurement, avec le résultat d’affaiblir les conclusions qui fâchaient. Si ce n’est pas le cas, il est très facile pour la commune et la CCPI de publier un communiqué pour contredire cette hypothèse et répondre enfin aux questions et aux observations de notre courrier resté sans réponse…

Fermeture de la plage du Château

Toujours aussi polluée, puisque rien n’est fait à part des gesticulations médiatiques et des travaux d’assainissement inutiles mais coûteux, la plage du Château devrait rester fermée en 2024. Sur ce sujet, le maire botte courageusement en touche…

Le 04/02/2024, le maire de Landunvez répondait ainsi dans Ouest-France aux propriétaires de maisons secondaires mécontents de sa commune. Il était interpelé sur différents sujets dont la fermeture de la plage du Château :

Article paru dans le Ouest France le 04 février 2024

Que dit le maire ?

  • « La fermeture de la plage du Château a été décidée par l’ARS… »

Ceci est faux. L’interdiction de baignade est de la responsabilité du maire, et non de l’ARS. C’est le maire de Landunvez, qui, en 2019, a choisi délibérément de fermer « préventivement » la plage du Château suite à 4 années consécutives en classement « insuffisant »

voir reportage de France 3 : (2 minutes)

Depuis 2019, le maire n’a pas rouvert la plage, et pour cause, la qualité des eaux de baignade ne s’est pas améliorée et malgré les « tripatouillage » des classements par l’ARS (article du Ouest France sur le sujet), celui de la plage du Château est demeuré insuffisant.

On peut comprendre cette décision, en effet certainement basée sur les conseils de l’ARS, apparemment plus soucieuse d’éviter les mauvais classements que de contribuer à l’amélioration de la qualité des eaux de baignade. Si le maire avait attendu la fermeture sanitaire suite à 5 années insuffisantes consécutives, comme le prescrit la directive européenne, il est en effet très probable qu’il aurait eu toutes les peines du monde à y autoriser de nouveau la baignade, ce qui aurait constitué une bien mauvaise publicité pour sa commune.

  • « Le maire n’est pas responsable de tout » : certes mais il est légalement « PREB », la personne responsable des eaux de baignade. Il est chargé de la gestion de sa plage. Gérer la plage consiste à publier des arrêtés pour interdire la baignade, des arrêtés pour l’autoriser à nouveau suite à une fermeture, mais aussi et surtout à rechercher les causes de pollution des eaux de baignade et à tout faire pour les corriger. C’est à lui qu’il revient de mettre en œuvre les mesures identifiées dans le profil de baignade de la plage. (en Iroise, c’est Pays d’Iroise communauté qui mutualise les révisions des profils de baignade des plages, mais le maire intervient dans la rédaction et à différentes étapes de la relecture)

Nous n’avons pas souvenir que quelqu’un ait demandé au maire d’aller faire le zouave en caleçon sur le pont de Recouvrance ; ni d’ailleurs sur la plage du Château. Nous attendons juste qu’il exerce les compétences que lui confie la loi. En l’occurrence, rechercher les vraies causes des pollutions… Et d’abord, cesser d’essayer de tordre la réalité en allumant des contre-feux grotesques.