Rejet de la station de traitement de St Dénec : le tribunal administratif confirme l’illégalité des travaux… L’arrêté préfectoral est rejeté !

Mis en ligne le10/10/2023

Saisi par des riverains et des associations, le Tribunal administratif de Rennes a rendu sa décision sur le projet controversé de détournement vers Lanildut des eaux usées traitées par la station d’épuration de St Dénec (Porspoder). Pour ceux qui auraient été sur une autre planète pendant les trois dernières années, voici un résumé sommaire de ce mauvais feuilleton, écrit et mis en scène par la Communauté de Communes du Pays d’Iroise.

La station de traitement des eaux usées (STEU) de St Dénec a été construite pour une capacité de traitement des eaux usées de 6400 équivalents-habitants. Depuis 2000, les eaux traitées étaient infiltrées par aspersion dans le sol, ce qui est une technique tout à fait valable pour restituer au milieu l’eau qui y avait été prélevée ; à condition toutefois de disposer d’une surface d’aspersion suffisante, ce qui n’était pas le cas à Saint-Dénec.

Lagune et zone d’aspersion de Saint Dénec remise en état en 2021 (bassin versant de Melon)

Sans aucune preuve, la CCPI imputait aux débordements de cette surface d’aspersion les pollutions chroniques observées sur la plage de Melon, en aval du bassin versant d’aspersion, et avait ainsi justifié la nécessité de travaux. En fait, la CCPI était surtout désireuse d’augmenter le nombre de logements raccordés, la capacité de traitement des eaux usées étant notamment une des conditions pour pouvoir poursuivre l’urbanisation.

La CCPI avait alors repris les études entamées par l’ancien syndicat intercommunal (SIALLP) avant transfert des compétences. Mais au lieu d’étudier les solutions logiques telles que l’augmentation de la surface d’aspersion, ou un traitement plus poussé (« traitement tertiaire ») qui aurait autorisé le rejet direct dans un cours d’eau (par exemple le ruisseau de Melon), ou mieux la réutilisation des eaux usées traitées, la CCPI a choisi une solution très coûteuse et parfaitement douteuse. Son projet consistait à rejeter les eaux usées à plus de 4 km de là, dans l’Aber Ildut, où les contraintes réglementaires lui semblaient plus facile à éviter ou à contourner.

Il suffisait pour cela de faire passer ce site, qui est le plus protégé de la côte, pour un vulgaire marigot sans intérêt.

Du fait de son importance, de ses impacts potentiels et de son coût (plus de 2 millions d’euros), ce projet aurait dû être soumis à la procédure administrative d’autorisation, impliquant une étude d’impact et une enquête publique. Au lieu de quoi la CCPI a choisi de présenter une simple procédure de déclaration, ce qui a été, à tort, accepté par l’État (Le Préfet). C’est accidentellement que la population et les riverains des travaux ont été informés de ce projet, dont une grande partie a été réalisée pendant le confinement, et sans respecter les précautions annoncées ; ainsi, les tuyaux traversent la rivière de Melon et des zones humides qui auraient dû être évitées au regard de la législation environnementale.

Un projet inutile et coûteux donc, conduit sans aucun souci de l’environnement qu’il prétendait protéger. Mais aussi un projet dangereux pour les personnes et les biens, puisque le rejet dans l’Aber Ildut était prévu dans l’anse de St Gildas à Lanildut, zone submersible protégée par une digue ancienne (1850) que le projet allait encore affaiblir. Par ailleurs, le rejet d’eaux usées, même traitées, dans l’Aber Ildut, déjà bien pollué par les activités sur le bassin versant, risquaient de polluer encore plus la plage du Crapaud, fréquentée par la plupart des habitants ; solution trouvée : y interdire la baignade

La digue Saint Gildas protège la partie terrestre qui est sous le niveau de la mer à marée haute. Une rupture serait catastrophique.

On ne peut que se féliciter que le Tribunal Administratif, dans sa décision du 5 octobre 2023 ait suivi les plaignants (associations et habitants) et décidé l’arrêt de ce projet en annulant l’autorisation accordée par la préfecture le temps que soient réalisées les études environnementales qui auraient dû être conduites avant toute autorisation.

Nul doute qu’une évaluation environnementale sérieuse relèvera l’impossibilité de rejeter en ce lieu multi protégé : doublement Natura 2000, ZNIEFF de type I, zone portuaire, zone de baignade, proximité du parc marin et depuis juin dernier officiellement une zone conchylicole. Excusez du peu ! ( Toutes ces protections sont bien citées dans le jugement, la CCPI ne pourra plus les ignorer )

On peut néanmoins regretter que le tribunal se soit comme souvent limité à contester la manière dont le projet avait été conduit – n’importe comment – sans vraiment se prononcer sur le fond de la question ; car rappelons que ce projet, c’est d’abord n’importe quoi. Présenté comme une nécessité pour éviter les pollutions de la plage de Melon, il aurait pu être mis en œuvre par la simple installation d’un « étage » supplémentaire de dépollution ; la preuve en est que la seule installation de rampes UV a fait baisser drastiquement la concentration des eaux usées en bactéries, au point que désormais l’eau traitée est plus propre que l’eau du ruisseau de Melon ; et pourtant, la plage de Melon est toujours polluée ! (c’est donc que la pollution vient d’ailleurs…)

Ce projet a déjà coûté inutilement presque un an de fonctionnement du service d’assainissement collectif de toute la CCPI, soit en moyenne plus de 50 euros pour chaque foyer abonné au service, donc à ceux qui ne polluent pas les plages ! A ce jour, pour le seul bénéfice des entreprises de travaux publics qui ont enterré des kilomètres de tuyaux dans la campagne et les zones humides.

Et pourtant, Il y a fort à craindre que ce projet se poursuive à grands frais et à grands risques ; il serait en effet étonnant que la CCPI jusqu’ici insensible à toutes les observations protestations et démonstrations soit enfin touchée par la grâce. Impossible pour nos associations, qui défendent l’environnement et les intérêts des citoyens de la CCPI, de s’’exprimer en dehors des tribunaux : vengeance ou mépris, elles ne sont pas invitées à participer aux commissions, conseils d’exploitation ou à la commission consultative des services publics locaux (CCSPL), récemment créée et qui devrait servir à éviter ce genre d’erreur.

Si vous souhaitez que cesse cette gabegie, allez donc demander des comptes sur ce projet à vos maires et aux élus qui vous représentent au conseil communautaire.